The dream comes true
/Ça y est, 6 mois après avoir trouvé "Muktuk", l'endroit idéal où travailler avec des chiens de traîneau, il est enfin temps pour moi de m'y rendre.
Au Yukon plus précisément. Ce territoire méconnu et encore sauvage à l'extrême nord-ouest du Canada.
Pour rejoindre cette partie du pays je choisis le bus encore une fois. 32 heures de trajet depuis Red Deer jusqu'à Whitehorse, la capitale du Yukon.
Nous nous arrêtons dans les principales communautés qui bordent notre route. Plus on progresse au nord, plus le car se vide de ses passagers. Malheureusement les bus mis à disposition pour ce trajet ne bénéficient pas du Wi-Fi. Une excellente raison pour rédiger le blog et lire d'avantage.
Le trajet se déroule sans encombre jusqu'à ce qu'un bruit suspect vienne entraver notre quiétude. Le chauffeur se range sur la bande d'arrêt d'urngence et après une rapide inspection du moteur il nous informe que le "turbo charger" est foutu. On n'ira pas plus loin sans une intervention sur la pièce défectueuse.
Le chauffeur tente désespérément d'atteindre un signal avec son portable depuis une butte proche de la route. Pas facile de capter quoi que ce soit au beau milieu de cette forêt boréale. Il fini par joindre un garage "proche" pour nous venir en aide. Après 3 heures d'attente notre sauveur est là pour nous remettre sur pied en 5 minutes chrono.
Supposé arriver à 5h00 du matin à Whitehorse, nous arrivons finalement avec seulement 1h de retard. En attendant qu'une personne de Muktuk vienne me récupérer en ville, je m'installe au Tim Horton's (le Starbuck's canadien) ouvert 24/7.
Après avoir repris contact avec le monde extérieur à travers une connexion internet plutôt bonne, Graham franchit les portes du café pour me conduire à Muktuk ! Ce canadien de Toronto est guide pour la saison. Après avoir récupéré des touristes dans les hôtels de la ville nous nous dirigeons finalement vers Muktuk, à 20 minutes de Whitehorse.
Nous quittons l'autoroute pour le "husky trail" et ses 4 km de graviers tapis de neige qui nous mène enfin jusqu’au chenil. On contourne les maisons où logent les chiens de traîneau avant de se garer devant le bâtiment principal.
Muktuk est également une "lodge", un genre de B&B pour les touristes de plusieurs jours. J'entre donc dans la lodge entièrement faite en bois et rencontre Lennard, un des volontaires qui quitte l'endroit ce jour même.
Lennard me fait le tour du propriétaire et me présente à toutes les autres personnes travaillant ici.
- Manuela : elle prend soin des hôtes, et surtout des chiens. Mais elle gère aussi tous les points administratifs, juridiques, sanitaires, RH... c'est la chef ici !
- Jeff : le mari de Manuela est un guide expérimenté et s'occupe de toutes les excursisons sur plusieurs jours. D'un tempérament lunatique, il faut savoir trouver le bon moment pour aller lui parler.
- Graham et John : tous deux canadiens et guides pour les excursions à la demi-journée ou à la journée.
- Sophie et Amanda : volontaires depuis Octobre, elles vont nous transmettre tout ce qu'il faut savoir pour nous nouveaux volontaires.
- Nadine : jeune Yukonnaise pure souche, elle s'occupe du ménage, change les lits, etc. L'été elle est guide en kayak, elle connait la région par coeur. D'un père francophone, c'est la seule personne ici avec qui je peux échanger en français.
- Gwen : bonne vivante du nord du Yukon, c'est la chef côté cuisine.
- Ashley : Yukonnaise également, elle se tient derrière l'accueil pour répondre au téléphone et accueillir les touristes.
Je fais la connaissance plus tard des deux autres volontaires qui vont m'accompagner pour la saison. Mark, tout droit venu d'Autriche après avoir terminé le lycée et Christin, une allemande de mon âge venue également avec un visa vacances/travail.
Mais surtout je rencontre les 139 chiens que compte ce chenil. En réalité seulement 80 d'entre eux "travaillent". Certains sont à la retraite, d'autres sont trop jeunes, quelques uns sont malades et il y en a qui ne veulent simplement pas courir devant un traineau. C'est déroutant d'assimiler autant de noms et de visage humains ou non d'un coup, mais avec le temps ça va surement le faire !
En ce qui concerne les chiens je commence par mémoriser la douzaine de retraités qui se balade en liberté entre le sous-sol et l'extérieur.
La saison semble avoir déjà bien commencé autour de ce sympathique monde.
La journée type commence à 7h00 pour préparer le premier repas de nos amis à quatre pattes. Cela consiste à mettre la viande (généralement du poulet) presque décongelé (ça dépend beaucoup de la température extérieure) dans des seaux et l'émietter. On ajoute également de l'huile de tournesol. Plus il fait froid, plus on met d'huile. Il faut ensuite aller chercher les blocs de viande congelée dans un abris à l'extérieur pour le lendemain.
On a le temps ensuite de prendre notre petit déjeuner. A 8h il est l'heure de les nourrir avec nos seaux remplis de viande en y ajoutant de l'eau chaude et des croquettes. Un délicieux mélange dont ils raffolent !
On se réparti les 90 bouches à nourrir dans la cour principale et une autre personne est chargée de nourrir les chiens qui ne courent pas. En fonction de leur corpulence, de leur appétit et de leur dépenses caloriques chaque chien à une certaine quantité de ce ragout. Entre 3/4 et 2 bols grossièrement.
Le système digestif des chiens est en activité maximale. Du coup il est temps pour nous ensuite de "poop scooper", c'est à dire de ramasser toutes les crottes dans la cour. Vous comprendrez que plus il fait froid, plus c'est facile ;)
Il est rapidement 9h30 et les clients pour les excursions du matin et de la journée font leur apparition. Les guides les accueillent, les habillent chaudement et les briefent sur quelques règles à respecter le long de leur expérience. Pendant ce temps on équipe les chiens prévus pour la sortie de harnais. Ensuite les clients viennent seul ou à deux par traîneau. S'ils sont deux on en glisse un confortablement dans le duvet dans le traîneau et on demande à l'autre de tenir la ligne où sont attachés les chiens à la luge. Et on atèle un à un 4 à 6 chiens sur le même traîneau. Lorsque toutes les équipes sont prêtes, le guide part en avant avec une motoneige et on envoie une à une les équipes avec leur attelage. L'excitation est à son paroxysme pour les chiens et le niveau sonore aussi. Ils veulent tous partir à vrai dire =). S'en suit de long gémissement des chiens restés dans le chenil, telle une horde de loups rappelant le reste de la meute.
Une fois les équipes lancées, on se trouve des occupations à faire en attendant que l'excursion du matin rentre au bercail. On nettoie les maisons, on répare des clôtures, on coupe les énormes blocs de viande en plus petit pour les repas et les en-cas pour les chiens,... Il y a toujours quelque chose à faire.
Il faut être prêt à accueillir les équipes qui rentrent à la mi-journée. Attacher l'équipe à un poteau, donner un snack aux chiens, enlever les harnais et les raccompagner à leur emplacement. Puis il est temps pour eux de recevoir un bol d'eau, mélangé avec de la viande ou du poisson. Attention, si l'eau n'a aucune saveur, alors ils n'y toucheront pas ^^.
Après cela on peut tranquillement aller prendre notre déjeuner, spécialement préparé pour nous par la chef Gwen.
L'après-midi ressemble fortement à la matinée avec l'excursion de l'après midi et le repas du soir pour les canidés.
Bref, chaque journée est bien remplie, et malgré qu'elles se ressemblent elle sont en réalité bien différentes ! Les chiens d'abord. Ca prend du temps de bien les connaitre et évidemment comme nous, ils ont leurs humeurs. Il y a toujours un incident, une surprise qui survient, pas de place pour la monotonie !
Voici une vidéo faite par Mark pour vous faire une meilleure idée de notre quotidien :)
J'ai oublié d'aborder le thème de la température. Qui n'est vraiment pas un problème pour moi. C'est plus fun que dérangeant :) Il fait en moyenne -20° le matin et -15° l'après midi. Ce qui est tout à fait supportable avec l'équipement adéquate et les journées riches en travail. Parfois il fait pas loin de 0° et on a (vraiment) chaud et certaines matinées atteignent les -41°. Là ça pique.
En ce qui concerne notre logement, c'est plutôt sommaire mais très confortable. Une cabane en bois, sans eau ni électricité courante. On a quand même un bidon d'eau, une batterie pour la lumière et un poêle à bois. Bref, absolument tout ce qu'il nous faut ! Avec 2 douches par semaine on se rend vite compte de ce qui nous est nécessaire et ce qui est en fait superficiel dans nos villes bétonnées.
On s'y fait très vite à cette vie simple, ce froid généreux et ce travail laborieux. Mais peut-être que la nature impeccable et sa beauté incomparable aide à s'y sentir bien. Il y a quelque choses de mystique qui plane dans ce Yukon et je m'y sens tout à fait à ma place. J'ai l'impression d'être en quelque sorte affranchi de la pression de notre société, de ses gadgets illusoires et de sa vitesse indécente.
Quoi de mieux que de profiter du spectacle des aurores boréales par -30° pour se sentir vivant et à la fois tout petit dans cet univers ! Je vous laisse imaginer danser avec les lumières solaires...